Poésie frémissante des villes avec D.Monnier-Saget
Jusqu’au 7 août, Dominique Monnier-Saget présente à l’Espace Culturel La Pléiade, sous le titre « Vibrations urbaines », une exposition d’huiles sur toile ou sur papier, d’acryliques et lavis, déclinée sur un thème unique : la ville.
Une ville donc, le plus souvent saisie en plongée, à distance, comme d’une colline, d’une butte, d’une fenêtre perchée. Une mégapole, avec ses immeubles blottis les uns contre les autres en îlots solidaires, l’arc des périphériques qui la cerne et l’isole, et puis ses tours à l’horizon où les banlieues en rêve pathétique, semblent décoller vers le ciel. Une cité traversée d’axes, de viaducs et de ponts, fendue de tranchées, pénétrée de tunnels, parcourue de réseaux qui l’irriguent et l’innervent… Ville vivante en constante mutation où le temps a superposé ses strates, ses structures, a détruit, remodelé, blessé, cicatrisé, reconstruit. Ville changeante au gré des saisons et des heures, dont Dominique Monnier-Saget a su rendre la poésie fiévreuse, frémissante.
Ici la ville s’endort dans l’apaisement bleu d’un soir d’été ou s’éveille, émergeant de la brume légère de matins lilas. Malade, elle s’époumone en quintes de fumée et de suie puis glisse, oublieuse, silencieuse, sous la couette de neige. Elle resurgit frivole et parade aguicheuse, poudrée d’or pour des nuits de folie en robe de gala. Alors la palette de Dominique Monnier-Saget conjugue avec élégance toute la richesse chatoyante des rouges- pourpre, cinabre, vermillon, cramoisi – des orangés, des bruns ocrés, du sienne brûlé.
Parfois la ville entonne une complainte douce, modeste chanson des rues traduite en notes monotones. Parfois, en lances de métal et de feu, elle laisse éclater les stridentes d’un jazz frénétique, éclairs zébrant le panorama de décharges épileptiques.
Où sont les hommes dans ce décor en apparence vide ? On perçoit leur agitation, leur repos dans une trace vive, une nuance qui s’estompe. On connaît leur labeur aux architectures qu’ils ont érigées, au hérissement des grues sur les chantiers, à l’enchevêtrement des voies, des aiguillages.
On devine la pièce, drame ou fête, tragédie ou petit bonheur, qui se joue, qui se noue dans le rectangle au loin d’une fenêtre qui s’éclaire, le cadre d’une baie qui s’éteint. La vie est là, avec ses élans, ses déchirements, son cours tumultueux ou tranquille, toute entière dans la ville contenue, retenue.
La ville de Dominique Monnier-Saget est une étrange dame, belle, fascinante la nuit, le jour, avec ses sauts d’humeur, ses instants de grâce ou d’abandon surtout sa mouvance perpétuelle, son éternelle pulsation.
G.Faucon, La Montagne, 23 Juillet 1999